Un article publié hier dans l’Équipe nous apprend que Yannick Noah collabore avec Emmanuel Planque (entraineur de tennis) pour faire progresser Lucas Pouille, 91ème au classement ATP.
Cette collaboration a été initiée par l’entraineur lui-même.
C’est une très belle preuve d’humilité et de confiance :
- De l’humilité car nous ne pouvons pas être compétent pour aborder, seul, tous les éléments de la performance (techniques, physiques, tactiques, mentaux).
- De la confiance, car là où certains pourraient craindre de perdre de leur influence ou leur emploi en proposant à leur joueur de travailler avec Yannick Noah, Emmanuel Planque n'y voit que des avantages : « On va vraiment se donner les chances de réussir ! » Lorsque le journaliste insiste en lui demandant s’il ne craint pas que Noah lui fasse de l’ombre, il répond : « Il ne peut pas me faire de l’ombre parce que je ne suis pas au soleil. C’est Lucas qui est au soleil, pas moi. Moi, je suis en charge de Lucas. Mon travail, c’est de tout faire pour lui apporter ce qu’il y a de mieux… Je n’ai pas le savoir universel. Je n’ai pas le droit, pour des raisons d’ego, de priver Lucas de certaines choses ».
" On est dans la dimension mentale, dans la gagne, dans l'expression des émotions".
Il précise le principe de leur collaboration : « Avec Yannick, on est dans la dimension mentale, dans la gagne, dans l’expression des émotions ». Le dernier français vainqueur de grand chelem fait réfléchir Lucas Pouille autour de questions comme : « C’est quoi être un athlète ? C’est quoi gagner ? Qu’est-ce que ça demande ? »
Ces quelques exemples de questions sont en effet un excellent moyen d’amener le sportif à expliciter son approche de la performance, du sport de haut niveau.
Je trouve cette démarche remarquable. Pour intervenir régulièrement en tant que préparateur mental dans différents sports, notamment dans le football, il est extrêmement rare de voir un entraineur travailler spontanément sur la dimension mentale de la performance du sportif, qui plus est avec un intervenant extérieur. Les raisons peuvent être diverses : soit l'entraineur pense que le joueur n’en a pas besoin, soit il se dit également préparateur mental de l’équipe (ce qui est souvent vrai sur les enjeux motivationnels, mais qui a d’autres limites, notamment quand l’entraineur est à l’origine de certaines frustrations du joueur)…
Il m’arrive également de rencontrer des agents, des préparateurs physiques (salariés de clubs ou indépendants) me disant : « Je pense que tel joueur a besoin de travailler avec un préparateur mental, mais je ne peux pas le lui dire. Ce n’est pas bon pour sa confiance, pour son ego ! » Alors on ne dit et on ne fait rien…
Dans le football, cette saison, nous avons eu des exemples
d’ouverture du staff vers la dimension mentale de la performance. Ça a été le cas par exemple du Stade Malherbe de Caen, qui, relégable à la mi-saison a travaillé avec un préparateur mental.
Cette démarche se fait parfois directement à l'initiative du joueur.
J’ai pu cette saison travailler avec de nouveaux sportifs professionnels en football, notamment un caennais et en rugby (certains témoignages seront ajoutés sur le site pendant l’intersaison). Ces sportifs ont intégré la nécessité de travailler mentalement, dans un environnement hautement concurrentiel et médiatisé. Il est important, dans ce contexte où chaque performance est disséquée de garder la tête froide, focalisée sur ses objectifs, les éléments que l’on maitrise : sa confiance en soi, ses émotions, sa récupération, son stress…
La préparation mentale est une composante essentielle de la performance, au même titre que les éléments évoqués précédemment. Elle n’est pourtant pas toujours abordée comme telle dans la planification de travail du sportif/de l’équipe. Dans un secteur où les résultats se jouent sur des détails, elle fait souvent pencher la balance du bon côté !
Alors il ne reste plus qu’à répondre à une question : quand commencez-vous la préparation mentale ?
Crédits photos :Nicolas Luttiau/L’Équipe. Stade Malherbe Caen 2015.